Dans la deuxième décennie du XVIème siècle l'activité du maître se ralentie sensiblement: les
Madones et les Adorations qui sortent en grand nombre de son atelier sont effectuées par ses
élèves, dont seulement deux, Giovannantonio Sogliani et l'auteur anonyme de la série comprenant
la Conversation de Santo Spirito, ont une physionomie précise et suffisamment caractérisée. Si
le second utilise constamment des supports de Lorenzo di Credi, il conserve aussi quelques
souvenirs de provenance diverse avec lesquels il établit solitairement son propre style sans
collaborer pour autant directement avec son maître. Le cas de Giovannantonio est différent, ses rapports avec Lorenzo dépassent leur travail dans l'atelier et représentent une composante de la biographie artistique de Lorenzo. On a déjà vu Lorenzo recourir aux formules de Fra Bartolomeo, surtout dans les compositions graphiques, dont il s'est servi pour enrichir ses propres formules et pour nuancer ses propres moyens d'expression, mais le recours s'élargit vers des éléments plus précis lorsque Fra Bartolomeo s'affirme parmi ses contemporains pour sa capacité raffinée à manipuler les compositions d'architecture et des personnages dans le but d'illustrer des mythes et des personnages de la tradition religieuse (occupant à Florence une position semblable à celle du Pérugin au siècle dernier, malgré le changement profond des conditions et des différentes méthodes de travail). Les derniers témoignages de l'activité de Credi sont contenus dans la Testa di vecchio santo de l'Albertina, dont la physionomie vigoureuse et contractée émerge de la large ouverture du capuchon s'étendant dans la barbe dense et dans les boucles voletantes. Ces témoignages on les remarque aussi dans la Testa di giovane santo du Musée Baymans dont la coupe fortement ébauchée pèse sur l'observateur avec la large ossature du visage et avec l'auréole plane et tournante. Ils montrent tous comment Lorenzo est en mesure d'interpréter avec finesse et perspicacité et selon des modalités personnelles un dessin très intense et très rigoureux, qui est propre en fait à la production mature de Fra Bartolomeo. En revanche, cette émotion vigoureuse s'atténue dans ses manifestations picturales successives lorsque Lorenzo doit satisfaire les exigences de religion c'est à dire l'imagination limitée des nonnes et des bourgeois attachés aux formules traditionnelles. Ces derniers lui demandent pour la nième fois de représenter des sujets très communs, alors Lorenzo se limite à rendre emphatique les significations élémentaires des Histoires religieuses et par conséquent les redondances des vêtements apparaissent amplifiées et figées dans un jeu où transparaît l'exténuation créative. Les nombreuses ébauches des visages sont privées de relief et se révèlent conçues uniquement pour souligner l'extase et la supplication des yeux soulevés, la matière s'adoucit ultérieurement, la couleur distribuée selon des assonances et des rythmes plus recherchés lui offre souvent la seule possibilité d'utiliser à nouveau des modules et de schémas déjà épuisés, comme les dessins dont il se sert plus d'une fois en les inversant d'un côté ou de l'autre. Sogliani accompagne Lorenzo sur cette voie, afin de succéder à son maître et il est vrai qu'il n'est pas privé de style ni de capacités professionnelles mais il est peu créatif. Dans la première décennie du siècle tout en aidant son maître, il commence des oeuvres autographiées comme l'Annonciation Eustis, où sont combinées avec équilibre des morphologies de Lorenzo, mais dans lesquelles on retrouve moins le style de Fra Bartolomeo. Même en ré élaborant les formules déjà expérimentées maintes fois par son maître, Sogliani se rend compte que ces longues et patientes recherches n'offrent plus désormais de possibilité de développement. Il est donc évident que Sogliani obtient des résultats plus concluants auprès de Andrea Del Sarto. Giovannantonio collabore probablement à l'Adoration de Castiglion Fiorentino, dans laquelle la position rigide de Marie et de Saint Joseph, aux physionomies larges et assez insignifiantes, ne convainc pas, alors que s'impose à notre regard le paysage verdâtre et brumeux d'où sort une tour faite de blocs superposés, que Lorenzo a certainement réalisé lui-même pour en faire le centre vital de l'oeuvre. Giovannantonio collabore aussi à l'Adoration du Musée Capodimonte, où ressortent plus clairement les rapports entre les personnages, mais nous n'insisterons pas sur ces typologies larges et écrasées. Il s'agit d'éléments qui s'imposent dans le Sposalizio di Santa Caterina de Nîmes, dans l'Adoration des Mages de Breslau, dans le Saint Joseph de Santa Maria del Fiore et dans au moins trois grands retables, les Conversations de Ceppo et de l'église de Santa Agata et la Crucifixion de Montepulciano. En fait toutes ces oeuvres permettent de distinguer les rares parties dont Credi se réserve entièrement l'exécution, il serait aussi abusif d'assimiler toute l'activité tardive du maître dans la seule collaboration avec Sogliani, une collaboration plus idéale que matérielle. En fait comme on l'a déjà dit il serait injuste et, surtout insignifiant, de classer par périodes la production oscillante de Lorenzo, dans lesquelles des signes de fatigue apparaissent à plusieurs reprises, alors que cette dernière régression qui à cependant un caractère définitif, avance lentement, interrompue par des sursauts et des retours où des signes de reprise surgissent encore. |
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