Orientation et activité de la première décennie
du VVIème siècle


La Conversation de Dresde

En même temps que ces recherches qui ont dans l'ensemble un caractère graphique, Lorenzo exécute la Conversation de Dresde ( 1 et 2), oeuvre qui est antérieure à 1516, et qui est en quelque sorte le point d'arrivée de la série des retables, dans lesquels l'échafaudage traditionnel et les exigences de caractère religieux imposent des constantes. C'est à ces dernières que l'artiste voue tout son métier, toute sa culture, tout son style, mais c'est aussi à ce moment malheureusement que l'artiste fait preuve de peu d'imagination.
Pour la disposition plus générale de l'oeuvre il a recours encore une fois à la formule adoptée dans la Conversation de Pistoia et du Louvre: le fond est divisé en trois parties rythmées par les courbes des arcs, et chacune de ces parties correspond à l'un des personnages, la Madone assise avec l'Enfant sur le trône surélevé de deux marches, et les saints debout de chaque côté, placés plus bas, ce qui correspond donc à la hiérarchie habituelle. Comme déjà dans le retable du Louvre, la nécessité de répartir et de balancer les espaces est dépassée, et ce qui reste du cadre de structure de la peinture de Pistoia (les marches, les marqueteries du sol et les coupes du paysage, toutes deux largement réduites) est transformé et adapté à de nouvelles exigences d'expression. Toute la composition apparaît serrée dans un tracé rhomboïdal: en haut la pointe du baldaquin, en bas le vase de fleurs et les coudes des deux saints sur les côtés.
Pour la structure du trône, Lorenzo regarde le retable de l'Hôpital des Innocents de Piero di Cosimo, cependant il n'en prend que les suggestions essentielles: il substitue la demi coupole adoptée par Piero par un fragile baldaquin, pas plus grand qu'un couvre-chef, celui-ci n'apporte pas une véritable dimension et une véritable signification spatiale à l'oeuvre et s'apparente aux prototypes de Bartolomeo et de Raphaël, élaborés avec une autre projection par Andrea del Sarto dans le Matrimonio mistico di Santa caterina de la Gemäldegalerie de Dresde.
Mais au-delà de ces recours, la partie la plus intéressante et la plus vitale, l'élément qui conditionne l'articulation de la composition, en accord avec l'orientation des études contemporaines, sont les drapés qui sont pliés, froncés, scrutés par la lumière et qui s 'accumulent dans l'arcade centrale, et qui semblent emprisonner les personnages car ils occupent une bonne partie de l'espace déterminé dans le retable.
En fait, l'oeuvre appartient à un milieu culturel dont fait partie désormais aussi Andrea Del Sarto, lequel travaille en même temps que Credi à la décoration de l'église de la Compagnia de San Sebastiano. Cependant Lorenzo, toujours réticent face aux acquisitions des autres peintres, reste bien loin d'Andrea, il semble plutôt poussé à ce moment vers un style plus tragique qui viendrait de la Sixtine, où ce style est présent dans les fresques du Scalzo, déjà commencées depuis 1514.
Enfin il reste aussi dans le domaine de ses recherches les plus personnelles et il renouvèle grâce à des contacts ultérieurs encore une fois ce thème du drapé qu'il a déjà beaucoup étudié suivant les cheminements de Léonard.
C'est donc à ce moment le Studio di drappeggio su figura seduta, dessin oublié parmi les autres des Offices encore regroupés selon des classifications assez vagues. L'artiste replie ce mannequin féminin presque incorporel et en soulève un bras pour mieux déployer le manteau: ici le reste du vêtement se recroqueville dans un jeu plus mobile, nuancé par l'ombre délicate du bistre. Les membres et l'étoffe semblent décomposés, bien qu'un pointe du manteau soit assimilée aux jambes et aux pieds, se positionnant comme dans la Vénus comme l'élément central du trépied sur lequel s'appuie le personnage.
Enfin certaines facettes ébauchées par des effets de lumière rappellent la diffusion des productions allemandes et des interprétations précoces de Andrea del Sarto: encore un morceau unique dans lequel ressortent encore mieux les zones d'ombre par rapport à une production plus figée.

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