L'Adoration des Bergers (
1 et
2),
le retable le plus grand et le plus complexe que
l'artiste ait exécuté, est peint pour l'église de Santa Chiara, largement ornée d'oeuvres d'art
dans ces années, car en plus de la Maddalena et du San Francesco du même Lorenzo, on y met aussi
la Pietà du Pérugin, aujourd'hui à la Galerie Palatine, datée de 1495. Puisque l'Adoration, contemporaine ou de peu postérieure au tableau de Vannucci, était située à côté de celle du Pérugin ou tout à fait en face, il est vraisemblable que Lorenzo ait regardé avec une attention toute particulière la Pietà, empruntant à partir de là la tendance à varier le schéma rigoureusement symétrique, articulé par des éléments peu nombreux mais bien déployés, auxquels il s'était tenu jusqu'ici. Autour de l'enfant il dispose en fait un premier tour de personnages, tous courbés dans un acte d'adoration, et plus loin deux anges érigés qui, comme les trois personnages à droite dans la Pietà, donnent eux aussi un point de vue psychologique et descriptif. La gesticulation des personnages, la structure du paysage avec des hauteurs latérales et une ouverture au centre calque plus que jamais les formules du Pérugin. La tendance à nuancer la vision marquant l'enfoncement de l'espace plan par plan s'exerce encore, mais la solution manque d'éléments nouveaux. Il reste l'habitude mécanique de représenter selon des schémas de complaisance qui n'engagent pas l'artiste dans un ultérieur effort inventif et s'appuient sur des expérimentations précédentes: au près du bord inférieur du tableau il y a une première marche rocheuse cachée par les herbes sur laquelle reposent l'enfant, Saint Joseph et le berger avec l'agneau, respectivement le coeur et les coulisses de soutien de la composition; sur le palier de la seconde marche les trois autres personnages ferment le demi-cercle compact, et les piliers, deux troncs et deux qui encore exercent des fonctions de soutien, concentrent progressivement le champ de vision à la fois avec les éperons rocheux jusqu'au sentier lumineux qui conduit à la ville. L'élaboration chromatique de la peinture, aujourd'hui très voilée, s'avère probablement plus criarde qu'elle était à l'origine, cependant il est clair que l'artiste n'entend pas s'en tenir à la sobriété qui est la sienne, au contraire il poursuit des effets voyants associant aux tonalités habituellement ternes la couleur cyclamen et le rouge brique des vêtements des anges agenouillés et vert brillant du pré. Ici Lorenzo ne jouit plus de l'apport du Pérugin (dans la Pietà les tons bruns prédominent) et trouve à nouveau un soutien plus adéquat aux nécessités de l'oeuvre dans la variété chromatique de l'Adoration de Van der Goes; surtout le pré minutieusement parsemé de fleurs et rehaussé avec des effets subtils de trompe-l'oeil, montre comment l'artiste a su extraire des exemples flamands pendant longtemps médités tous les thèmes qui peuvent obtenir l'approbation d'un large public pour certains peu avertis, mais bien sûr qui exigent à l'égard des traditionnels morceaux de bravoure artisanale. |
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